LES DIGITALES et rubans de carbone

MUSÉE VESUNNA, Périgueux,

dans le cadre du festival Expoésie 2016

Ce travail est pensé comme un trait d'union entre un musée d'archéologie «Vesunna» et un festival international de poésie contemporaine «Expoésie » à Périgueux.
Telle l'archéologie, il permet un retour sur les traces de l'acte d'écrire et de revenir sur mon passé de création

Archéologie et anachronisme à partir d'un outil et d'un support devenus obsolètes : la Machine à écrire et ses rubans de carbone.

De la tablette de cire à la tablette numérique… Tout est amené, un jour, à être vestige…

Ce travail jalonne la distance et le temps parcourus par l'acte d'écrire. Il explore la mise en espace visuelle des mots grâce aux rapports que l'écriture entretient avec ses supports et ses techniques d'impression graphiques et plastiques et ses outils anciens et actuels que je confronte.

Dans ces œuvres, passé et présent s'interpénètrent au profit d'un aspect archéologique dans le rendu, soulignant ainsi que le présent fait déjà partie d'un passé à ranger.

La Machine à écrire représente une parenthèse dans l'écriture du XXe siècle.
Elle est considérée aujourd'hui comme une étape historique et révolue de l'écriture.
La machine à écrire a permis l'indépendance économique de la femme dans le monde. Ce travail rend hommage au métier de la femme entre deux guerres : la secrétaire

«Nous avons connu le passage de la plume à la machine à écrire, puis à la machine à écrire électrique, puis à l'ordinateur et ceci en trente ans en une génération, la seule génération à avoir fait toute la traversée. Mais le voyage continue… »
Jacques Derrida

Les Machines à Éclire ont été réalisées à partir de moulages d'une pièce que j'ai fabriqué en terre représentant une Machine Underwood des années 60 et des lettres moulées d'un anagramme décliné.
Cire et plâtre sont les matières que j'ai confrontées dans un même moulage. Chaque moulage est un original, chacun avec sa propre histoire et son propre mot. Chaque pièce d'abord en cire se combine progressivement au plâtre pour devenir un moulage de musée (totalement en plâtre).
Dans mes recherches, j'agis par incération : j'aime mêler la cire à d'autres matières afin d'assister à des noces improbables comme de nouvelles peaux qui se découvriraient et recouvriraient inlassablement entre dureté et mollesse, entre sécheresse et humidité…

Les 18 Machines à Éclire sont présentées sur 5 tables adossées aux meubles-étagères qui ont servi à leur transport.

Dimensions d'une table : long.1,30mx larg.0,40m x haut. 0,85m

Chaque machine moulée est complétée par une page de rubans de carbone ayant servi à imprimer mes textes.

Collecter, garder des rubans de carbone, pour les redécouvrir et les mettre à jour, témoigne d'une volonté de capter le temps, oscillant entre une curiosité d'artiste, un esprit d'archéologue et une manie de collectionneur.
La lecture d'un ruban nous renvoie à un passé résolument antique car il est à la fois phylactère, volumen, scriptio continua romaine et boustrophédon.
Le ruban, c'est le fil ténu entre l'écriture manuscrite et l'écriture virtuelle.
Le ruban, c'est le résidu de ce qui a été écrit, la trace de ce que l'on a imprimé, c'est l'envers de l'écriture qui ne se montre pas. C'est la mémoire noire du texte, au kilomètre.

Le temps
Combien de mètres pour tout écrire ? Combien de lettres imprimées au mètre ? En combien de tours, le ruban s'enroule pour écrire ce paragraphe ? Combien de centimètres pour un tour ? Combien de mots pour un tour ? Combien de temps pour l'empilement de cette mémoire noire ?

La page
Couper le ruban puis coller ligne par ligne, l'une après l'autre, l'une au-dessous de l'autre, un peu à la manière dont autrefois on composait les caractères typographiques sur une forme pour pouvoir imprimer. Les lignes de ruban sont ainsi collées jusqu'à obtenir une surface simultanée, discontinue et globale, c'est-à-dire une page de format A4 (21 x 29,7 cm). Si le collage des lignes du ruban est régulier, il faut environ 42 lignes pour boucler la hauteur de 29,7cm. Ce procédé de mise en page d'une linéarité se fait jusqu'à l'épuisement du rouleau du ruban : soit 150 mètres. Ces 150 m donnent 18 pages de rubans de carbone collés. Ces 18 pages de rubans ayant au préalable permis d'imprimer 40 feuilles blanches. Une noire vaut alors plus de deux blanches (à l'inverse du code musical).

Négatif / Positif 
Le ruban est à la fois un négatif et un positif, une absence et présence. Les lettres sont révélées par leur vide de part et d'autre du carbone restant. Le vide renvoie au négatif, à l'oubli. C'est un mot absent qui s'offre à nous. Le mot absent du ruban, c'est le mot perdu, celui qu'on n'a pas réussi à capter. C'est fondamental de saisir ce qui a été perdu, de compenser autrement ce qui a disparu, en construisant, par exemple, sur l'absence d'un mot vide d'encre.

Photographies sur Dibond
90 x 65 cm

Les lettres de l'anagramme ERUDITS ont été obtenues à partir de l'agrandissement optique des lettres d'un ruban de carbone passant à l'intérieur d'une visionneuse de film Super 8

3 mn
réalisée par Claudie lenzi &
Éric Blanco

Électographies sur papier Rives
19 originaux
36 x 18 cm présentés dans cadres 40 x 30 cm

Ces images fonctionnent sur l'écho, le renvoi, la mise en abîme d'un travail « 14 Carbones » (exposition, performance et vidéo) présenté au CIPM (Centre Poésie international Marseille)

Réactualisé par l'électrographie, l'itinéraire Trace/Sens/Action est balisé par le support géniteur (le ruban de carbone), son boîtier, et la machine à écrire ayant servi à imprimer mes textes.

PETITS CARBONES
sels d'argent et photogrammes de rubans de carbone sur papiers Arches et cristal
29 x 37 cm

FRAGMENTS
Gravures et monotypes
20 x 20 cm